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Jacques Louvain, peut-être

par Dominique Boudou, carnets, extraits, en-cours etc.

26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 10:42

J'ai entendu à la radio un philosophe parler de la joie. Ses mots étaient simples, souvent ponctués par un léger rire qui n'avait rien de surfait. Il comparait la joie à la construction d'un château. C'est une bonne idée. La construction d'un château, même de sable, ça prend du temps. Un simple feuille avec des tirets dessus peut servir de fondation. Pour un château à ma mesure. Voilà ce que je pourrais écrire sur la feuille en face du premier tiret. Un château à ma mesure. Que je saurais transporter dans mes pas comme dans mon esprit. Mais quelle est donc cette mesure alors que mon être se divise et s'éparpille depuis cinquante ans ?

Le serveur du Gaulois me tape sur l'épaule, s'en excuse. C'est l'heure de la fermeture. Ah ! Bon. J'ai l'impression que ce n'est pas ma voix qui parle, pas mes jambes qui soulèvent mon corps. Le ciel, qui a viré au gris, semble coulisser sur des vérins invisibles. Les immeubles se tassent. Les voitures se ratatinent. Les nuques des piétons sont déjà courbées. Je me dis que je vais rentrer chez moi en rampant. Le monde aura perdu la dimension du volume et je m'aplatirai pour te rejoindre. Quelle idée encore ! Suis-je le seul à en avoir de pareilles ? Une joyeuse troupe d'étudiants qui a dû arroser quelque succès me ramène à toutes les dimensions du réel. Le ciel retrouve son firmament. Les silhouettes leur mouvement dégingandé. Je m'arrête pour regarder les étudiants. Je cherche la légèreté dans leurs gestes, dans leurs cris. Je nous revois quand nous avions leur âge et le même degré d'alcoolémie. Un calque superposerait à l'identique les moulinets des mains qui prennent la place des mots, l'expression du doute ou de l'ironie aux clignements des yeux, les notes suraiguës des plaisanteries grasses. Je rentre dépité.

 

(Mon premier jet s'arrête là. Je l'ai recopié sans rien changer. Je vais le continuer et, quand j'aurai de nouveau une quinzaine de pages, je le mettrai ci, toujours sans rien changer.)

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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 11:46

Je rentre la tête pleine des métaphores de la boule. Nous sommes nous-mêmes des corps furtifs. Les lueurs qui sortent de notre peau sont bien faibles et durent si peu. La parenthèse de la joie se ferme aussi vite qu'elle s'est ouverte et la mélancolie pointe son ombre. Tu n'as pas bougé de ta place à l'ordinateur. Tu n'écris pas sur l'écran mais je devine partout en toi la présence des mots. Tu les avais déjà quand tu avais dix ans et que tu étais la seule à savoir les ouvrir. Tes parents n'ont jamais su. Tes soeurs pas davantage. Un élan de tendresse me pousse vers toi. Je revois la boule du joueur de pétanque et je l'imagine grossir dans nos corps. Nous nous serrons si fort que tu t'en étonnes. Alors, sans savoir pourquoi, je te parle de Pauline de Théus.

J'ai changé de terrasse de café. Le Gaulois après le Voltigeur, ces noms archaïques, ça m'amuse. Mais reverrai-je la femme de quarante ans dont l'accent chante comme un oiseau ? Le Gaulois n'est qu'à un kilomètre du Voltigeur et la même ligne de tram passe à proximité. Une rencontre reste possible. Bien sûr, il est hors de question que j'arraisonne ladite personne si elle marche dans la rue. Il faudra qu'elle vienne s'asseoir à la terrasse et pas trop loin de moi encore. Afin que mon entreprise paraisse naturelle. Si tant est que le naturel existe dans ce genre de situation. Autrement dit, plus je réfléchis plus les possibilités rejoignent le marécage de l'improbable. Je me console avec une bière et l'idée que toute existence est un marécage dont nous peinons à nous rendre maîtres. Je me dis que la bière elle-même, si trouble en ses profondeurs, parcourue d'émulsions fugaces dans le grésil de l'alcool, ressemble à une fondrière. Et je choisis de boire encore, pour m'enfoncer davantage.

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 14:07

Je ne sais pas encore que je suis malade mais je pressens que quelque chose ne va pas. Un quelque chose de tout petit logé dans un creux de ma chair. Appelé à grossir. Sans douleur au début. Pas même un renflement sur la peau. Puis. Puis. Et c'est comme ça que le paysage se transforme en menace. L'idée qui persiste d'un mauvais grain au ventre alourdit les arbres de la place, ferait pour un peu chanceler les façades. Je m'éloigne des rues en direction du fleuve. L'eau peut-être, plus sûre que la pierre. Elle me rappelle que je sais nager. Elle me rappelle que savoir nager est la seule chose dont je sois finalement assez fier. Mon apprentissage fut si tardif que je dus imposer à mon corps une volonté farouche et j'aime à m'en souvenir. Si la joie est un édifice à construire, ma connaissance même modeste de la natation est un bon ciment. Je passe à côté d'un groupe de vieux qui jouent à la pétanque. Ils ont posé des bouteilles de vin et des gobelets sur le couvercle d'une glacière. Ils parlent peu. L'un d'eux, un peu en retrait, fume la pipe. Il me sourit. Il devine que je suis moi aussi un homme en retrait. Qui va dissoudre ses pensées dans les nappes du fleuve.

Un train s'engouffre sous le tunnel de l'autre rive. Je ne vois de lui qu'un trait fragile. Je l'entends surtout. Le bruit qu'il fait me semble plus solide. Nous avons tellement besoin de solidité, toi et moi. Quand je t'aurai enfin parlé de Jacques Louvain et si tu acceptes le principe d'un changement d'identité, il faudra bien te trouver un nom. Ce ne sera pas une mince affaire. Tu auras plus d'exigences que moi. Tu voudras être sûre à cent pour cent que le nom que tu auras choisi ne te trahira pas. Tu mettras peut-être plusieurs mois à te décider. Alors que le temps presse. D'autres plis se sont formés à ton aine et sous tes bras. J'ai même l'impression que tes yeux ont rétréci. Je sais que c'est impossible, les yeux ne rétrécissent jamais, ils gardent un volume identique de la naissance à la mort et c'est d'ailleurs ce qui confère aux bébés un visage parfois inquiétant, mais cette impression est une vraie glue qui me hante. Si tes yeux rétrécissent, il y aura un vide dans tes cavités oculaires, qu'il faudra combler. Aucune médecine ne peut intervenir sur la masse des yeux. Il faudrait recourir à la chirurgie esthétique. Afin de remodeler tes orbites. Je n'entends plus le bruit du tram. La berge du fleuve, où s'enchevêtrent des taillis humides, se couvre soudain d'une boue plus rouge. Je me replie vers les joueurs de pétanque. Une boule s'élance. Elle scintille comme un astre furtif. Puis s'écrase dans un ahan poussif. Elle a raté sa cible.

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 13:41

Moi aussi je suis malade mais je ne le sais pas encore. Un contrôle de routine. A partir d'un certain âge n'est-ce pas. L'infirmière du labo a été gentille. Je lui ai dit que les hommes sont plus douillets que les femmes et ele a opiné en riant. Mais je n'ai rien senti quand elle m'a piqué. Encore deux ou trois mots légers et je suis sorti en sifflotant. J'ai regardé des touffes d'herbe sèche entre les rails du tram. Acheté le journal pour faire les mots croisés. Nous avons pris le petit déjeuner sur la terrasse et tu m'as raconté ton rêve. Tu te souviens souvent des rêves que tu fais. Tu aimes les raconter. Tu prends une cigarette pour que les mots s'enchaînent mieux. Encore une histoire épouvantable avec la famille en toile de fond. Ton père et ta mère se disputent dans la cuisine. Tu n'entends pas ce qu'ils se disent. Tu t'es figée sur le canapé du salon. Des silhouettes défilent devant toi et se moquent. Tu finiras seule, disent-elles, toute seule et malheureuse.

La matinée s'étire bien au-delà de midi, dans une espèce d'indolence cotonneuse. Je lis le journal à la table de la cuisine. Je m'arrête à la page des nécrologies. Je lis le nom des défunts, certains m'amusent, je lis les âges aussi, avec une sensation de vertige. Vingt-cinq ans. Cent trois ans. On meurt peut-être de plus en plus vieux mais on n'en continue pas moins à mourir très jeune. D'autre part, rien ne permet d'affirmer que l'espérance de vie continuera d'augmenter. Je hausse les épaules et je commence les mots croisés. Tu es déjà à l'ordinateur. Tu tapes si fort sur le clavier. Ton rêve, sans doute, n'a pas terminé son chemin. Il se fait plus discret, comme une ombre chinoise sur un rideau, mais il avance quand même. La journée déroulera une demi teinte entre vert et gris. Elle pèsera lourd sur nos fatigues. J'arrache d'un coup sec le sparadrap qui oblitère mon bras. J'abandonne la grille des mots croisés. Je ne veux pas que ton rêve me transmette sa langueur. Je pense que je ne t'ai pas encore parlé de Jacques Louvain. Comment pourrais-je t'annoncer son projet sans que tu aies peur ? Quel moment choisir ? J'ai besoin de marcher pour apprivoiser ces questions. Ce sera plus facile si elles passent aussi par mon corps. Je t'embrasse sur le front puis sur le nez. Je sors.

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12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 14:32

Nous n'avions pas fait l'amour depuis dix ans. Et là, maintenant, après ces dix ans. Comme si d'autres corps avaient pris possession de nos corps. Nous ouvrons une bouteille de vin que nous buvons dans le jardin. Nous comptons les étoiles qui font des piqûres au ciel. Un chien de l'autre côté du mur jappe en rêvant. Des remuements fouillent la terre au pied des arbustes. Rester debout jusqu'à l'aube. Avec une conscience plus aiguë de la nuit. De son souffle encore chaud des exhalaisons du jour. C'est bien. tu dis seulement ça. Je te réponds en hochant la tête. De longues minutes passent dans la lenteur du vin. Le chien tout au fond de sa niche change de rêve. Un avion clignote entre deux nuages. Et tu répètes. C'est bien. Une étoile clignote aussi. Plus loin.

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9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 18:24

Tu me regardes, un peu inquiète. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu répètes la question. Plus vite. Tu me prends la main. Une éraflure sur le dessus conforte ton inquiétude. Je te dis que je suis tombé dans la rue mais que j'ai pas perdu connaissance. C'est la chaleur. Rien d'autre. Même le goudron n'y résiste pas. Tu fronces les sourcils. Le goudron ? Oui, le bitume si tu préfères, sur les routes. Puis, sans transition, presque à mon insu, je t'annonce ma décision de vivre désormais dans la joie. En moins d'une seconde, tu oublies ma chute et le goudron qui crève de chaud, tu oublies ta fatigue et ma fatigue, tu te mets à danser comme tu dansais, prise dans l'excitation de tes dix ans qui te faisait entrevoir tant de mystères. Tes bras s'envolent, dessinent des hirondelles et des papillons rattrapés par tes jambes. Tes lèvres tracent des pétales qui tournoient dans la maison. Et le mot joie recouvre soudain toute laideur de son voile transparent. Un rien pourrait le déchirer.

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 15:25

Je ne sais plus combien de bières j'ai bues. Combien de cigarettes j'ai fumées. Je me lève pour aller aux toilettes et aussitôt je tombe par terre. A moitié évanoui. Toute une agitation se met en branle autour de moi. Premier secours, un linge humide sur le front. Puis un verre d'eau. Puis la question en boucle. C'est la chaleur ? C'est la chaleur ? Enfin, une voix autoritaire demande qu'on s'éloigne de moi sinon je vais étouffer. Un médecin de passage. Son diagnostic est aussi coupant que son examen a été rapide. A trop bu. Les serveurs, un peu à l'écart, se concertent sur ce qu'il y a de mieux à faire. Oui oui, il a payé toutes ses consommations, alors. Et je me retrouve adossé au mur d'une rue adjacente, entre deux poubelles et une flaque d'urine. J'inspecte mes habits qui ne sont pas trop froissés. Je me lève sans douleur. Mais une sourde colère me prend. Je ne remettrai jamais les pieds au Voltigeur.

Et je n'ai toujours pas écrit le bilan de mes tentatives de joie. La feuille de papier dans ma poche aura transpiré quand je me suis effondré. Les tirets ne constituent pas une échelle bien solide. Qu'importe. J'ai tout mon temps. Après la colère, voilà que j'ai envie de rire. Un rire franc jeu, sans les mauvais grincements de l'ironie. Un rire dont la propagation embraserait la rue d'un vaste éclat. Je rejoins d'un pas alerte la station du tram. Je m'assois sur le banc entre une merde de pigeon et une vieille dame qui sent la sueur. Un voisinage idéal pour accéder à la joie. Mais je suis pris d'une série d'éternuements si bruyants qu'un vide sanitaire se creuse aussitôt autour de moi. Le deuxième en moins d'une heure. Décidément, cette journée n'est pas comme les autres.

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7 septembre 2012 5 07 /09 /septembre /2012 18:07

Je suis de nouveau à la terrasse du Voltigeur. Trois mois ont passé. C'est le moment de dresser un premier bilan de mes tentatives de joie. J'ai prévu une feuille de papier et un stylo. J'ai écrit une dizaine de tirets, chacun séparé d'un centimètre. C'est un commencement qui me plaît. Les tirets forment une échelle sur laquelle j'ai envie de monter. Sauterai-je un barreau ? Plusieurs ? Je reste le stylo en l'air, avec cette question qui se dilue peu à peu dans ce que je vois du paysage. Canicule d'août. Coulures de glaces à trois boules le long des babines enfantines. Touristes perdus derrière des lunettes noires. Carrosseries des voitures plus bouillantes que des cocottes. Ce soir, à la télévision régionale, un journaliste sans inspiration dira qu'il a fait si chaud qu'on aurait pu faire cuire un oeuf rien qu'en le posant sur le capot.

Je n'ai pas revu la femme de quarante ans. Je ne me souviens pas de son visage. Seulement de sa voix. Pourtant, si je la rencontrais, ses traits me diraient immédiatement quelque chose, alors que sa voix peut-être pas. Je range mon stylo et ma feuille de papier dans la poche de mon pantalon et je m'amuse à regarder les femmes de quarante ans qui passent devant moi. Il n'y a pas si longtemps, c'était un âge déjà presque vieux. Le corps avait perdu toute son insolence. Les seins tombaient. Aujourd'hui, quand on n'est pas malade, la peau résiste mieux. L'esprit en revanche se bourre de cachets. C'est l'amour qui coince. Une arête dans le gosier de l'amour et on ne sait pas comment l'extraire. Si je revois la femme de quarante ans je lui poserai la question. Avez-vous une arête dans le gosier de l'amour ? Je peux essayer de l'enlever si vous voulez. Vous n'aurez pas mal. Au contraire. Que du soulagement.

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 13:02

Je ne veux pas que tu tombes. La moindre blessure pourrait te tuer. J'attrape tes mains au vol, j'en apaise les frissons et je t'assois, doucement tout doucement sur le canapé rouge de la bibliothèque. J'allume une lampe dont je sais le halo protecteur. Je m'assois aussi. Nous nous touchons. Le calme vient. Mes mots auraient des noeuds dans la gorge si le calme ne venait pas. Ils ne sauraient pas bondir par-dessus nous. Je veux pour toi des mots aériens. Oh ! bien sûr, ils ne te feront pas guérir. Seulement voler un peu, avec moi, comme si nous étions encore des oiseaux incapables d'en finir avec l'amour. Oui. Des oiseaux encore. Dis-moi. Dis-moi. Ta tête se penche sur le dossier du canapé. Tes yeux baissent lentement leur paupière. Mes mots s'apprêtent au chant. Tu ne vas pas mourir.

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 11:33

La deuxième de ces priorités, c'est le changement de lieu. Nous pourrions faire tourner un globe à toute vitesse et poser un doigt dessus, au hasard. Au risque de nous noyer dans les océans, de nous dessécher dans les déserts, ou de mourir d'ennui dans des campagnes hostiles. Il nous faudra donc éliminer le hasard. Consulter des atlas, des cartes, des plans. Comparer plusieurs destinations. Lire éventuellement des récits de voyage. Cela risque de nous prendre trop de temps et d'entamer l'ardeur de notre volonté. Quant à changer simplement de ville mais en restant dans le pays, n'y pensons même pas. Notre vie antérieure se rappellerait à nous de jour comme de nuit, dans les actes les plus ordinaires comme dans les rêves les plus fous. En fait, nous sommes dans une impasse. Il faudra que tu m'aides pour qu'on s'en sorte. Ton imagination a conservé toute sa vigueur. Toute sa fièvre même. En unissant les forces de ta fièvre aux forces de ma joie, tu verras, nous franchirons tous les obstacles.

La troisième et dernière priorité concerne le mode de déplacement. Tu n'es plus guère en état de prendre un avion. Un voyage en train, tu n'y résisterais pas. Reste la voiture et le bateau. Il existe des voitures américaines assez longues pour s'allonger vraiment, comme dans un lit. Elles sont dotées d'amortisseurs si performants que la route se transforme en coussin d'air. Cette solution me semble viable mais insuffisante. Tôt ou tard, nous devrons prendre un bateau. Même le détroit de Behring n'est pas encore guéable malgré la fonte des glaces polaires. Un bateau donc, dont il faudrait aménager la cabine pour que tu n'aies pas le mal de mer. Rien n'est impossible. Un système d'équilibrage électronique, qui supprimerait les effets du tangage et du roulis, est tout à fait concevable. Peut-être existe-t-il déjà à la vente. Nous n'aurions pas à le construire et nous gagnerions un temps précieux.

Car le temps presse. Je le vois à ta fatigue. Elle imprègne tes gestes d'une lenteur nouvelle et c'est comme une espèce de mélancolie qui te couche chaque jour davantage. Pourtant, je ne t'ai encore rien dit de cette histoire saugrenue que j'invente en marchant. Il m'arrive même de l'inventer quand je te regarde. Tu as parfois des gestes si légers, si proches de l'abandon, que je pense à une île. Puis, dans la minute suivante, au passage d'une humeur qui assombrit ton front, j'envisage plutôt une ville avec une promenade le long d'une rivière jaune. Et je souris. Tu es toujours surprise quand je souris. Tu veux savoir pourquoi. Tu sors de ta fatigue et tu sautilles. Le chat juché sur quelque promontoire de laine descend pour te voir chavirer.

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