Un conte pour enfants sans la lettre e.
Mon chat Pompadour, divin marquis dans son couffin cossu, grimpa sur un banc au fond du jardin. Il avala un
limaçon qui passait par là. Un ouragan, ayant tout vu, gronda.
- Vilain chat ! Vomis ton limaçon ou tu vas mourir !
Pompadour, qui n'avait plus faim, ricanait dans son poil froufroutant. Il bondit d'un mur au toit du voisin
puis apostropha l'ouragan.
- Tu fais quoi là ? A rugir pour un asticot sans gras ? Ca vaut pas un radis, ton truc ! J'y crois
pas.
L'ouragan, surpris, baissa d'un ton.
- J'ai faim, moi aussi.
- On dirait pas.
- J'ai maigri. Parti du Canada au mois d'avril, mai puis juin m'ont vu au Nicaragua, au Chili. Un travail
colossal. J'ai abattu cinq tours à Toronto, dix à Santiago.
Pompadour, dont la toison d'or frissonnait d'un grand plaisir, n'ajouta pas un mot. L'ouragan n'avait pas
fini son discours, pour sûr.
- J'ai mal partout. Aux bras, au cou ! Mon poumon droit pâtit. Mon côlon itou. L'air du Canada, l'air du
Chili, si corrompus, m'ont occis.
Pompadour poussa un long soupir. Il avait, jadis, connu la faim dans un sous-bois obscur. Il avait craint la
mort. Mais l'ouragan valait-il qu'on l'aidât ? Lui qui ruinait, massacrait tout pays où il soufflait !
Un papillon trottinait au bord du toit, montrait son habit blanc à ronds noirs. Un parfum d'acacia avait
soudain jailli du sol. Il flottait dans la foison du soir naissant. L'ouragan l'aspira, tituba, voulut dormir.
Pompadour, trop bon qui sait, s'apitoya. Il nourrit l'ouragan du papillon puis lui offrit un grillon.
- Va, dit-il, ton poumon droit souffrira moins d'ici trois jours.
L'ouragan fut pris d'un vibrant sanglot dont il fit un chant d'amour.
- Plus jamais la mort, promit-il, ni à Santiago, ni à Toronto.
Pompadour, satisfait, cracha son limaçon toujours vivant. L'animal tordu galopa jusqu'à l'humus sous l'acacia
odorant. La nuit tomba. Un vasistas s'ouvrit alors dans la maison du voisin. L'ouragan y dormit un an. Pompadour parfois l'accompagnait. Un chat, un ouragan, blottis corps à corps dans la paix.
Voilà un roman touchant, oui, touchant.
Les mots difficiles :
froufroutant, qui fait du bruit comme un tissu, satin ou soie
apostropha, interrogea
pâtit, souffre
côlon, organe du corps humain
itou, aussi
occis, tué