Je n'ai pas fait le fier quand je suis monté dans l'estafette de la police. L'agent m'a dit que j'avais craché sur les marches d'un escalier. Infraction mineure certes mais comportant des dangers potentiels. Un usager de la voie publique peut glisser sur le crachat et se casser une jambe. J'ai reconnu mes torts. J'ai déclaré que je ne recommencerais pas car je tenais à rester un bon citoyen. L'agent a émis un grommellement approbateur et m'a demandé mes papiers. J'ai montré ma carte de fidélité du magasin Célio en m'excusant de n'avoir rien d'autre. Contre toute attente, le visage du policier s'est illuminé d'un large sourire. Il m'a parlé de son voyage à Louvain en Belgique avec sa femme et ses gosses. Un de ses plus beaux souvenirs. Il m'a dit que la cathédrale est de style gothique flambant et que toute la famille a pris des photos. Il ne m'a pas infligé d'amende.
J'ai fini ma promenade par un crochet sur les berges de la Garonne. J'avais la joie au coeur et un nom accepté d'un agent de police. S'il m'avait collé une prune il aurait écrit Jacques Louvain sur son bordereau, lequel document officiel authentifierait mon identité. Louvain n'est pas une ville. Louvain, c'est moi. Il faudra qu'on le sache. Le plus vite serait le mieux. Mais comment m'y prendre ? Puis-je invoquer le reflux de mes cheveux blancs pour convaincre sans inquiéter ? Mes proches, qui aimaient bien Dominique Boudou, feront semblant d'y croire et me laisseront tranquille. Ma femme consultera son médecin, bien sûr. Elle versera peut-être en cachette le contenu d'une gélule dans mon café du matin mais qu'importe ! Toute pharmacopée est impuissante contre l'inexpugnable désir de Jacques Louvain. Je redoute en revanche les pires difficultés au lycée. Dominique Boudou y passait déjà pour un original ombrageux. Jacques Louvain sera condamné à perpétuité comme fou indécrottable. Le proviseur obtiendra mon renvoi. Les petits boulots et les grandes duduches perclus d'ennui à la lecture de Booz, beaucoup plus tard, dans des réunions d'anciens, auront des rigolades à la régalade.
Toute ma joie ayant fondu, le coeur plus flasque qu'un mollusque, je me suis enfermé dans mon bureau et j'ai cherché des Louvain sur internet. Rien qu'en France, il en est né 147 de 1891 à 1990. Dont 44 entre 1941 et 1965. L'un d'eux a vu le jour en Gironde mais j'ignore en quelle année. Je ne sais pas davantage s'il s'appelle Jacques. Deux Dominique Boudou étant venus au monde à Paris en 1955, je n'aimerais guère qu'une telle situation se reproduise. Je refuse d'entendre causer d'un autre Jacques Louvain que moi. Qu'on se le dise !
louise blau 24/03/2013 08:33
C comme Corinne 12/02/2011 09:45
dominique boudou 01/02/2011 17:12
Filca 31/01/2011 00:04
marie line 30/01/2011 22:44